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Le sel et les étoiles

Publié le 20 novembre 2020
Le sel et les étoiles L'ouvrage de l'Amiral Alain Coldefy Plus qu'une autobiographie, il s'agit plutôt de l'ouvrage d'un stratège militaire qui embrasse toutes les composantes de l'art de la guerre, maritime bien sûr, mais aussi terrestre, aérienne ou sous-marine, toutes liées les unes aux autres, comme on le verra au fil des pages. Les considérations d'ordre diplomatique, politique, industriel et financier n'échappent pas non plus à son regard critique. Ayant lui-même commandé des forces maritimes essentielles et connu toutes les situations de temps de paix ou de guerre, l'Amiral Coldefy nous livre ses réflexions pour le plus grand plaisir des lecteurs Passées ses premières années à Limoges, et après son admission au Prytanée Militaire de la Flèche suivie de son intégration à l'Ecole Navale, l'amiral est, selon lui, « arrivé à la mer un peu par hasard » ! On a peine à croire cet aveu paradoxal : sa longue carrière sur la grande bleue témoigne en effet de tout le contraire. Qu'on en juge par ce parcours exceptionnel : quarante et un ans de service dans la Marine Nationale avec pour corollaires, vingt-sept mutations et vingt-deux déménagements des commandements prestigieux sur les plus beaux bâtiments de la Marine nationale, dont le porte-avions le Clémenceau, l'équivalent d'une ville de plus de 2 000 habitants qui concentre sur 266 mètres de long, une quinzaine d'étages, un monstre de technologie capable de répondre à tous types d'attaques. A noter le tiercé gagnant que l'Amiral aime à répéter, y compris au Président de la République en visite sur le Charles de Gaulle et qui lui demande comment faire marcher tout ce monde ensemble (35 professions différentes dans la Marine) : le professionnalisme dont chacun doit faire preuve, le respect de l'autre, l'observation des règles communes, répond-il. L'Amiral fut aussi de toutes les rencontres et délégations militaires auprès du Pentagone, de l'OTAN, de l'Union Européenne ou de grandes puissances telles que l'Inde, la Chine, l'Allemagne, la Grande Bretagne. Son expérience, l'Amiral la mit aussi au service du Groupe EADS, aux côtés de Louis Gallois, qui lui demande tout de go lors de sa première rencontre : « Amiral, dites-moi des choses qui m'intéressent ! ». La mer ? : « Elle ne se possède pas », dit-il, « elle ne s'envahit pas, elle n'est pas peuplée, [..] et ne sera jamais domptée ». C'est une « source infinie d'humilité et de rêve ». « Et tant que l'on n'a pas ressenti les colères de la mer, rien n'est vraiment réel ». De fait, le récit que nous fait l'Amiral d'une tempête qu'il essuya au large de la pointe de Penmarc'h sur le Chayla le 2 décembre 1976, nous rappelle ceux des grands écrivains de la mer : Jack London ou Joseph Conrad, ceux qui ont marqué profondément notre imaginaire collectif. On découvre là encore le monde très complexe de la mer avec ses codes, ses valeurs, ses lois, mais aussi sa langue propre (qui a jamais entendu parler du ludion, du gradient, du bigor, des violons ( !), du gabier, d'une ancre de détroit ?). Tant de mots à la sonorité insolite Quant au nombre de pays visités, de ports accostés, d'isthmes franchis, de côtes parcourues, il faut imaginer l'Amiral déployer devant sa table les cartes du monde entier et les portulans où figurent tous les continents, toutes les lignes de vents, tous les havres, tous les détroits, tous les golfes, tous les océans où la marine nationale française bat son pavillon et où il navigua... C'est en homme de terrain et du terrain que s'exprime l'Amiral, le caractère forgé par l'expérience, mais aussi en stratège lorsqu'il nous livre en plusieurs chapitres passionnants ses réflexions sur l'importance d'une marine dans un pays comme la France. Les convictions qu'il s'est forgées en particulier lors du conflit au Kossovo, qu'il évoque à plusieurs reprises et au cours duquel la France joua un rôle important, lui indiquent la nécessité d'être au rendez-vous, c'est-à-dire d'anticiper, de moderniser constamment ses équipements, de maintenir la course à la qualité des armes et de rechercher toujours le professionnalisme ainsi que le plus haut niveau technologique, en un mot prendre en charge le futur. Eviter que selon la belle formule de Richelieu, nos souverains ne versent des larmes au goût salé de la mer qu'ils ont trop ignorée Ancien major général des armées, Alain Coldefy, le premier à porter ce titre prestigieux, sera propulsé en 2006 à la tête de l'Académie de Marine, une institution fondée au XVIIIème siècle, « la petite soeur » des cinq autres Académies comme on l'appelle volontiers, avant qu'il ne soit porté à la présidence de la SMLH en 2018, prenant ainsi la succession du Général d'Armée Hervé Gobillard. Encadré de deux lettres de l'Amiral Philippe de Gaulle et préfacé par Erik Orsenna, cet ouvrage nous délivre plus qu'un message ou un avertissement pour l'avenir. C'est avant tout un panorama complet, un parcours de grand marin, qui se révèle au lecteur comme le témoignage d'un Amiral qui enfin arrivé au Port, nous ouvre « des horizons nouveaux », et qui lance en même temps « de nouveaux défis » à relever, des défis à la saveur salée et à la lueur des étoiles. Paul CARRIOT Ami de la SMLH Secrétaire du Comité Seine et Orge Lundi 16 novembre 2020